2018 - Collections en mouvement, Traces, Moutier d'Ahun

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La Bergerie

18 rue de la Bergerie
23150 Moutier d'Ahun

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Exposition du 4 au 27 mai 2018

Présentation de l'exposition vendredi 4 mai 2018 à 18h30

hartung hans Moutier




Hans HARTUNG, L21, 1973 / Lithographie, 105 x 75 cm / Collection Artothèque du Limousin.

Avec les oeuvres de : Flora BASTHIER, Sophie CALLE, François DAIREAUX, Hans HARTUNG, Konrad LODER, Bram VAN VELDE.
Collections du FRAC-Artothèque Limousin Nouvelle-Aquitaine et du FACLim.
Avec l’aimable prêt de la Cité Internationale de la Tapisserie d’Aubusson, pour l’oeuvre de Daniel RIBERZANI, Traces.

Quelques traces plus ou moins tangibles (à partir de l’expressionnisme abstrait).

En réfléchissant au thème proposé cette année par l’association des Amis du Moutier d’Ahun, « Traces », un thème si vaste qu’on peut aussi bien l’entendre du point de vue de l’enquête, de l’archéologie que de celui des origines du dessin et de la peinture, nous avons choisi de repartir d’une certaine histoire de la peinture abstraite du XXème siècle, notamment celle de l’ « Ecole de New-York » également appelée « Expressionnisme abstrait » et qui constitua dans les vingt années d’après-guerre la première avant-garde américaine à avoir une audience internationale. Bâtie sur la confluence du Surréalisme et de l’abstraction post-cubiste, cette avant-garde réussit à s’imposer grâce à ses formats monumentaux et son positionnement entre peinture gestuelle (action painting : peinture d’action) et traitement de la surface du tableau (colorfield : champ coloré).
A la même période, en Europe (et aussi au Japon et en Amérique du Sud) d’autres peintres s’adonnent à l’abstraction qu’on préféra qualifier d’informelle, de lyrique, ou encore appeler « Tachisme » et qui va dominer les années cinquante.

Hans Hartung (1904-1989) est considéré comme le chef de file de « l’Abstraction Lyrique ». Formé dès les années 20 à Dresde, il découvre l’aquarelle à partir de 1922, notamment les couleurs à l’aniline (1) et se passionne pour les couleurs posées les unes à côté des autres selon des rythmes, des densités, des gestes, des superpositions qui permettent aux formes de se mêler, de se dissoudre, de disparaître sur le papier. En 1935, il se réfugie clandestinement à Paris.
En 1973, il commence à travailler avec la lithographie et la gravure. C’est une année où il réalise de nombreuses œuvres, près d’une centaine, où il s’intéresse à la recherche formelle qui différencie une technique d’une autre. Il peint sur toile, sur carton, sur papier, il utilise les instruments les plus divers, pinceaux usés, pinceaux prolongés, pinceaux multiples, rouleaux, brosses larges, tampons, pulvérisateurs, pistolets, etc, qui résultent de ses travaux sur la lithographie. Chez lui, la composition devient peu à peu une pulsion davantage qu’une action.

Bram Van Velde (1895-1981) est un artiste « maudit » des années 50. Pour la critique d’art Claire Stoulig, c’est « le seul artiste capable d’établir le lien entre l’Ecole de Paris et les expressionnistes abstraits américains »(2). Produisant peu, dix à douze toiles par an, l’artiste se soumet pendant trente ans à un geste quasi automatique, de plus en plus ample, et s’abandonne à un pinceau qui dessine, sans profondeur ni relief, des formes en
décomposition jusqu’à leur effondrement et leur effacement. Bram Van Velde traite de la limite entre peinture abstraite et peinture figurative.
La première lithographie de Van Velde date de 1923, c’est un autoportrait. Puis, pendant presque quarante ans, jusqu’au début des années 60, il délaissera cette technique. C’est en 1967, il a alors 73 ans, qu’il se laisse persuader de s’y intéresser à nouveau. Ces lithographies seront si convaincantes que Van Velde se passionnera pour cette forme d’expression.

Né en 1957 à Munich, le sculpteur Konrad Loder vit depuis 1991 à Paris. Détournement d’objets, accumulation, déformation… les sculptures de Konrad Loder naissent par l’application de couches successives de peinture sur un objet usuel : roue, tréteau, chaise se voient ainsi transformés sous le poids des différentes strates de couleurs. Concernant les trois œuvres sur papier présentées, Loder ayant constaté la présence d’escargots dans une partie de son atelier, là où il travaille le dessin, il a décidé de les faire travailler à sa place en les plongeant dans la couleur et en les posant sur des feuilles de papier. Seul un des trois dessins a été retravaillé par l’artiste.
L’intérêt de Flora Basthier (née en 1992) pour la musique et les sports de glisse se manifeste sur différents supports
Le dessin, la photographie, la performance, la céramique, la vidéo sont pour elle des moyens de mettre en évidence des déplacements, entre processus et trace. Les trois dessins présentés ont été obtenus à partir d’un instrument sonore très particulier : un diapason de grand format réalisé en porcelaine. Trempé dans l’encre, le diapason géant a été placé au centre du papier. L’opération recommencée trois fois permet de saisir que l’équivalent entre dessin et vibration sonore est très subtil, jamais tout à fait identique.

Deux œuvres photographiques complètent cette sélection.

On associe souvent le nom de Sophie Calle (né en 1953) au mouvement de l’art narratif apparu dans les années 70. Son utilisation des images est souvent minoritaire par rapport à son usage du texte, écrit ou parlé.
Actions, installations, notes, photographies, objets, constituent autant de traces, marques, signatures, empreintes cherchant à dévoiler l’artiste, son vécu, sa personnalité. »(3) L’œuvre présentée s’intitule « Le Major Davel » (1994) et est décrite ainsi par l’artiste : « Dans la nuit du 24 au 25 août 1980, au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, le tableau de Charles Gleyre, fut partiellement détruit par le feu à la suite d’un acte de vandalisme. Il ne reste de la toile que le soldat qui pleure, en bas, à droite. J’ai demandé aux conservateurs, aux gardiens et à d’autres permanents du musée de me décrire la partie manquante de l’œuvre. »(4)

L’œuvre de François Daireaux (né en 1966) est celle d’un artiste qui à l’aide de photographies, de films et d’objets réunis sous forme d’installations, rend compte de l’observation minutieuse du monde qu’il parcourt assidument. Ses voyages au long cours en Afrique, en Argentine et en Chine lui ont permis de rencontrer des situations nouvelles dont il a rapporté certains fragments. L’œuvre présentée, « Pour ne pas oublier » est le souvenir photographique d’une sculpture détruite. Composée d’une accumulation d’éléments en plâtre si fragiles qu’ils n’ont pu résister à des manipulations successives, cette œuvre n’existe plus que par son « ça a été » photographique (5).

A travers les œuvres graphiques rassemblées, on note une évolution de la peinture informelle liée à de nouveaux procédés de reproduction, et peu à peu, une délégation du geste au hasard, par escargots et instruments sonores interposés. Sur le terrain de la photographie analogique, les deux images présentées témoignent de deux positions d’artistes très différentes, l’une plutôt narrative, l’autre presque documentaire.

(1) L’aniline a été au XIXè siècle, à la base du développement de l’industrie des colorants de synthèse, servant pour produire une grande quantité de bleus, violets, mauves et rouges, et quelques noirs, bruns et verts (souce wikipedia)
(2) in l’évènement Bram Van Velde, Centre Pompidou, 1989-1990
(3) in Centre Pompidou, exposition Sophie Calle « M’as-tu vue » 2003-04
(4) Sophie Calle in communiqué de presse de l’exposition « Dérobés » à la galerie Perrotin, Paris, 2013-14
(5) Pour reprendre la fameuse expression de Roland Barthes dans « la chambre claire » (1980) où l’auteur s’interroge sur la nature de la photographie.